Art contemporain africain : 2017, année charnière ?

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Alors que l’art contemporain africain a littéralement investi Paris cette année, artistes et galeristes espèrent qu’il ne s’agit pas d’un simple effet de mode.

Romuald Hazoumé, The Eye in the Mask, vue d'exposition : Socle du monde, Biennale 2017, Carl-Henning Pedersen & Else Alfelts Museum Herning, Danemark. © Courtesy of Galerie Magnin-A
Romuald Hazoumé, The Eye in the Mask, vue d’exposition : Socle du monde, Biennale 2017, Carl-Henning Pedersen & Else Alfelts Museum Herning, Danemark. © Courtesy of Galerie Magnin-A

Paris semble n’avoir aujourd’hui d’yeux que pour l’art contemporain venu du continent africain. « Cela représente une nouvelle sève pour le marché de l’art en perpétuelle quête de nouveauté », analyse Guillaume Piens, commissaire d’Art Paris Art Fair, qui se focalisait cette année sur l’Afrique. « C’est dans l’air du temps et c’est inexorable », assure-t-il.

Victoria Mann, organisatrice de la foire d’art contemporain Also Known as Africa (AKAA), confirme : « Il y a eu un engouement énorme, certains ont parlé de printemps africain. Jusqu’ici, il y avait une méconnaissance du sujet en France. L’intérêt était ailleurs, tourné vers la scène asiatique, et plus précisément sur la Chine et la Corée du Sud », poursuit-elle.

Une vision partagée par Claire Nini, journaliste spécialiste des artistes contemporains africains : « On ne peut pas parler d’un art émergent, c’est le regard français sur l’art contemporain africain qui est émergent. »

Julien Sinzogan, Vaudoo-Inside 2015. © Courtesy October Gallery
Julien Sinzogan, Vaudoo-Inside 2015. © Courtesy October Gallery

Un regard qui change, en France comme en Afrique

« Cette méconnaissance de l’art contemporain africain ne veut pas dire que cette scène ne s’est pas développée », poursuit Victoria Mann. « Tout n’a pas commencé lundi matin à l’ouverture de l’exposition Africa Now aux Galeries Lafayette », ajoute-t-elle.

Pour Jennifer Flay, directrice artistique de la Foire Iinternationale d’art contemporain (Fiac), il faut plutôt remonter à 1989, date de l’exposition « Magiciens de la Terre » au Centre Pompidou : « L’engouement pour l’art contemporain africain est venu de Paris, cette exposition a ouvert les yeux aux gens. » Si Paris a ensuite accueilli « Africa Remix » en 2005 et « Beauté Congo » dix ans plus tard, 2017 marque pour Victoria Mann « une ouverture à de nouveaux collectionneurs ».

Joël Andrianomearisoa Brazalianfantasy, 2014. © Courtesy Galerie MAGNIN-A, Paris.
Joël Andrianomearisoa Brazalianfantasy, 2014. © Courtesy Galerie MAGNIN-A, Paris.

L’intérêt pour ces artistes se développe aussi sur le continent africain, grâce à une nouvelle génération d’acheteurs, locaux ou issus de la diaspora. Une condition sine equa non au bon développement de ce marché, selon Victoria Mann : « C’est toujours une petite victoire si l’œuvre reste sur le territoire pour que ce marché se développe de façon équilibrée, pas seulement en Europe ou aux États-Unis. »

L’ouverture en février 2013 à Ouidah, au Bénin, du musée de la Fondation Zinsouet celle en ce mois de septembre du plus grand musée privé d’art contemporain africain, le Zeitz MOCAA, au Cap, sont la preuve de l’intérêt toujours plus fort du continent pour son art.

Quel avenir pour l’art contemporain africain ?

Si 2017 est une année importante, tous espèrent toutefois qu’il ne s’agit pas simplement d’un effet de mode. Pour Guillaume Piens, il y a « encore beaucoup d’interrogations » même si la cote des artistes africains augmente.

Certains, à l’image du sculpteur d’origine ghanéenne El Anatsui, sont déjà des stars dont les œuvres s’arrachent à plusieurs millions de dollars. D’autres, comme l’artiste Mohau Modisakeng, montent en flèche : « Pendant Art Paris Art Fair, ses œuvres ont toutes été vendues entre 30 et 40 000 euros », explique Guillaume Piens. Et la cote de l’artiste originaire de Soweto devrait continuer à grimper : « Quand vous êtes montré à la collection Vuitton, ça monte très vite.

Si en plus, vous êtes à la Biennale de Venise, ça devient un emballement. Sa valeur va se démultiplier », estime le commissaire. Mais pour de jeunes artistes, les prix restent dans l’ensemble encore abordables : « À AKAA, la majorité des œuvres vendues se trouvent dans une fourchette de 4 à 6 000 euros », détaille Victoria Mann.

Mohau Modisakeng Lefa 5. © Courtesy of Tyburn Gallery
Mohau Modisakeng Lefa 5. © Courtesy of Tyburn Gallery

À quand une plus grande présence des États africains ?

Du côté des artistes, on espère surtout un vrai réveil des institutions africaines. Pour Rafiy Okefolahan, artiste béninois exposé à la galerie Lazarew, la solution ne peut venir que des pays africains. « Aujourd’hui, tout passe par des personnes de la diaspora qui créent des fondations privées. Or, elles ne peuvent pas tout couvrir.

Les gouvernements africains doivent comprendre l’importance de l’art. Le jour où l’artiste sera pris au sérieux dans son propre pays, le reste suivra », indique-t-il.

Une évolution et un changement de point de vue qui pourraient, à terme, faire disparaître la dimension ethnologique qui colle encore à l’art contemporain africain. « On souhaiterait ne plus parler d’artiste contemporain africain mais d’artiste tout court », résume Guillaume Piens.

Certains artistes refusent d’ailleurs d’être exposés dans des foires spécialisées, par peur d’une « ghettoïsation » de leur art. Mais la donne est en train de changer : « Des artistes comme Omar Ba et Barthelemy Togo sont aujourd’hui dans les plus grosses galeries internationales. On est en train de quitter la niche. »

source : Le Point Afrique

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