Immobilier : pourquoi le marché n’est pas près de rebondir

Date:

Le promoteur immobilier Duval va installer commerces logements et bureaux en coeur de ville (Ville de Gagny)

TRIBUNE – Henry Buzy-Cazaux, président fondateur de l’Institut du Management des Services Immobiliers, dresse un constat amer : malgré la baisse récente des taux des crédits immobiliers, les conditions sont encore loin d’être réunies pour espérer une relance du marché à court terme.

C’est le premier financeur de l’immobilier en France, qu’on parle des achats de logements par les ménages ou du soutien aux projets des promoteurs, voire des collectivités locales. Le Crédit agricole est de loin le leader des prêts immobiliers dans notre pays. Il détient un tiers des parts de marché pour les crédits à l’habitat des particuliers. On mesure que l’enseigne n’a guère de problème de notoriété dans l’opinion, et le réflexe de s’adresser à elle pour financer un projet d’achat de maison ou d’appartement est largement présent chez les Français. Pourtant, cette grande banque s’offre le luxe d’une puissante campagne télévisée sur les chaînes les plus suivies et aux heures de fort audimat, en prime time pour parler comme les publicitaires. Le spot est drôle et assez bien conçu pour qu’on ne se demande pas pourquoi le Crédit agricole a engagé tant de moyens dans la conception, la réalisation et la diffusion de ce film…

On y voit deux amis qui discutent dans la cuisine de l’un des deux. Celui qui reçoit dit à l’autre qu’il va déménager et qu’il a acquis un nouveau logement. L’ami ne le croit pas, au motif que les banques ne prêtent plus aux acheteurs, et imagine tout sauf l’octroi d’un crédit, jusqu’à une anticipation sur l’héritage de la belle-mère présente au fond de la pièce. La situation est inédite : on ne se bouscule plus au portillon des banques pour déposer un dossier de demande de financement. Quelle lecture faire de ce constat ? La première raison tient sans conteste à la hausse des taux d’intérêt corrélée à la poussée d’inflation. Même si au début de cette année les taux ont légèrement baissé au tarif de la plupart des établissements, il reste que le pouvoir d’achat logement des Français a été érodé en dix-huit mois de l’ordre de 25%, peut-être ramenés à 22% ou 23% par la dernière correction.

Plusieurs facteurs bloquent encore le marché immobilier

Les ménages le savent, sans même besoin d’aller faire simuler le prêt par leur banque ou leur courtier préféré. Une sorte de conscience macroéconomique de base qui les dissuade. Il faudrait face à cette réalité qu’ils soient en mesure de consentir un effort sur la superficie ou la localisation du logement, ce qui est par essence difficile voire impossible – la naissance d’un enfant ou une offre professionnelle ne se discutent pas. Ou il faudrait qu’un ménage dispose d’une épargne importante, en plus des 20% ou 25% d’apport personnel exigé pour le prêt, en sorte de ne pas réduire le projet, à prix égal. Il y a aussi, sans doute, ceux qui attendent quelques mois pour voir si les prix baissent, justement pour n’avoir pas à en rabattre sur l’ambition du projet.

«La construction n’est pas la seule réponse à la crise du logement», selon cet urbaniste

Ces causes, indiscutables, ne sont pourtant pas celles qui expliquent le mieux l’étiage des candidats à l’accession à la propriété ou à l’investissement immobilier résidentiel. Une large proportion de Français, en dépit du besoin de changer de logement ou du désir viscéral de devenir propriétaires pour la première fois, ne sera pas convaincu par les publicités du Crédit agricole : celles et ceux qui n’ont plus envie. Celles et ceux qui, bien au-delà des considérations immobilières, ressentent des raisons nationales et internationales de ne pas s’engager à long terme. Certes, aucun emprunteur sur 20 ou 25 ans n’a de visibilité ni personnelle ni professionnelle sur cette durée, mais il lui faut au moins deux, trois ou quatre année d’horizon dégagé. Les conflits sociaux intérieurs, la crise du monde agricole – dont on a vu qu’elle touchait plus que jamais l’opinion, préoccupée de notre souveraineté alimentaire -, les grèves et les menaces de grève, les annonces de coupes budgétaires – qui ont été réévaluées et doublées en une semaine, pour être portées à 20 milliards – dissuadent d’acheter des logements. La confiance, principal moteur de l’immobilier, ne règne pas. Elle est défaite. L’ambiance politique est lourde aussi : l’absence de majorité à l’Assemblée nationale compromet la lisibilité du travail législatif, et le destin des textes est incertain jusqu’au dernier moment. Sans l’arme du 49.3, aucun projet de loi financier ne passerait. La montée dans ce contexte d’un parti extrême témoigne du marasme, et la réaction du Président de la République qui l’excommunie au nom des valeurs de la démocratie alors qu’il est représenté au parlement par la volonté des électeurs accentue plutôt la béance politique qu’elle ne la réduit.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

+ Populaires

Articles similaires
Related

DISTINGUER LES PRIORITÉS…PRIORITAIRES

PAR AMADOU TIDIANE WONE Il me semble nécessaire d’envisager la...

UN SÉISME SÉNÉGALAIS, DES RÉPILIQUES OUEST-AFRICAINES

PAR JEAN-HERVÉ JÉZÉQUEL Dans cette région polarisée, l’élection de Diomaye...

UN MAL POUR UN BIEN

  Tenons ici et maintenant, à cette occasion, l'opportunité de...
Share with your friends










Submit
Share with your friends










Submit
Share with your friends










Submit
Share with your friends










Submit
Share with your friends










Submit