Mort de l’écrivain français Philippe Sollers, auteur prolifique et provocateur

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Philippe SOLLERS © Malick MBOW
L'écrivain Philippe Sollers, le 7 novembre 2016 à Paris.
L’écrivain Philippe Sollers, le 7 novembre 2016 à Paris. © Jacques Demarthon, AFP

Figure de la scène littéraire française et du Tout-Paris depuis plus d’un demi-siècle, l’écrivain Philippe Sollers est mort vendredi à l’âge de 86 ans, a-t-on appris samedi auprès des éditions Gallimard. Auteur de plus de 80 romans, essais et monographies, directeur de revues et longtemps habitué des plateaux de télévision, Philippe Sollers avait atteint la notoriété avec son roman « Femmes » en 1983.

« Les éditions Gallimard ont la grande tristesse de faire part du décès de Philippe Sollers, né Philippe Joyaux, survenu le 5 mai 2023 », a annoncé l’éditeur dans un communiqué samedi 6 mai.

« L’homme épris de liberté et des beautés de ce monde, l’amoureux des beaux-arts, de la musique et des lettres célébrant le sacré d’ici-bas, l’infatigable animateur de la vie intellectuelle et littéraire qui créa et anima avec ses amis les revues ‘Tel quel’ (1960) et ‘L’infini’ (1983), l’auteur d’une œuvre romanesque novatrice et anticonformiste et d’essais critiques à la sensibilité universelle, l’ami furtif et attentif qui n’a jamais renoncé à dire que ‘le bonheur est possible’ a rejoint ‘la vérité du grand merveilleux silence' », poursuit Gallimard.

« Je suis venu, j’ai vécu, j’ai rêvé », ajoute l’éditeur, citant l’un des derniers ouvrages du défunt, « Agent secret » (2021).

« Il était le plus vénitien des écrivains français, tout en dédales, masques et labyrinthes », a pour sa part réagi sur Twitter Michel Field, le directeur culture et spectacle vivant de France Télévisions, saluant cet auteur d’un dictionnaire amoureux de Venise. « Jamais scolaire, plutôt solaire. Il a marqué de son empreinte et de son ironie plusieurs décennies de vie intellectuelle et littéraire. En plus, il était drôle et amical », a-t-il ajouté.

« Le destin d’écrire est devant lui »

L’œil malicieux, porte-cigarette au bec, l’écrivain, longtemps habitué des plateaux de télévision, marchait ces dernières années en s’aidant d’une canne mais sa plume restait alerte. « Je cours peut-être moins vite mais je pense plus vite », fanfaronnait-il, dans un livre d’entretiens avec son amie Josyane Savigneau paru en janvier 2019.

Né le 28 novembre 1936 à Talence (Gironde) dans une famille d’industriels, gaullistes de gauche et catholiques, Philippe Sollers abandonne vite ses études pour se consacrer à la littérature. Mais, avant toute chose, il troque son patronyme de Joyaux pour celui de Sollers, du latin « sollus » et « ars » (« tout entier art »).

À 22 ans, il publie son premier roman « Une curieuse solitude », salué par Aragon. « Le destin d’écrire est devant lui, comme une admirable prairie », écrit le poète dans les Lettres françaises. Trois ans plus tard, en 1961, son deuxième roman, « Le Parc », reçoit le prix Médicis.

Jeune écrivain prometteur, Philippe Sollers fonde, avec notamment Jean-Edern Hallier, la revue littéraire « Tel quel » au printemps 1960. En épigraphe, celle-ci reprend une formule de Nietzsche : « Je veux le monde et le veux tel quel, et le veux encore, le veux éternellement. »

La revue entend mettre en avant toutes les formes d’avant-garde, dont littéraires. On y défend le Nouveau Roman et des auteurs comme Francis Ponge ou le futur prix Nobel Claude Simon. Elle prête ses colonnes à des écrivains comme Michel Butor, Nathalie Sarraute ou encore Alain Robbe-Grillet, avant de s’ouvrir à la sémiologie et de défendre Roland Barthes. « Tel quel » publiera également Michel Foucault, Jacques Derrida.

Au début des années 1970, la revue prend fait et cause pour le maoïsme chinois. En 1974, une délégation composée notamment de Philippe Sollers et Roland Barthes se rend en Chine à l’invitation du pouvoir. Cet aveuglement vis-à-vis du régime autoritaire chinois vaudra à l’écrivain les sarcasmes du sinologue Simon Leys.

Philippe Sollers niera avoir jamais été « maoïste » mais, dans le livre d’entretiens avec Josyane Savigneau, il affirmait : « Je persiste à dire (…) que cette révolution épouvantable fait que la Chine est désormais la première puissance mondiale. »

Signe de sa fascination pour la Chine, tous ses livres contiennent des références à ce pays.

Double vie amoureuse

Après la mort de Mao, en 1976, la revue change de cap et prend fait et cause pour les États-Unis. L’auteur publie une tribune dans Le Monde pour fustiger non seulement le maoïsme mais aussi le marxisme.

En 1982, il fonde une nouvelle revue, L’Infini. Il quitte également les éditions du Seuil pour Gallimard, où il devient membre du comité de lecture et directeur de collection.

L'écrivain Philippe Sollers lors de l'émission "Vol de nuit", à Paris, le 3 janvier 2006.
L’écrivain Philippe Sollers lors de l’émission « Vol de nuit », à Paris, le 3 janvier 2006. © Bertrand Guay, AFP

À ce titre, il refusa le roman d’Amélie Nothomb « Hygiène de l’assassin », finalement publié chez Albin Michel.

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C’est avec son roman « Femmes » (1983) que Philippe Sollers atteint la notoriété. Des critiques dénoncent la « pornographie » qu’ils décèlent dans ce texte. « C’est mon meilleur livre. Mon paradis indépassable », rétorque ce fin connaisseur de Casanova (à qui il a consacré une biographie), auteur d’un dictionnaire amoureux de Venise.

Marié depuis 1967 à la psychanalyste Julia Kristeva, avec qui il a eu un fils, David, il voua un « amour fou » à l’écrivaine belge Dominique Rolin, de 23 ans son aînée.

Leur correspondance sur un demi-siècle a été publiée en 2017 et 2018. Lui avait dévoilé sa double vie amoureuse en 2013 dans « Portraits de femmes ».

Pour ses détracteurs, il était « futile », « mondain », « ennuyeux » et orgueilleux. À la question, « si vous deviez mourir demain, que resterait-il de vous ? », il répliquait : « une caisse de livres ». Et il ajoutait : « On se demandera comment on a pu se laisser prendre à l’image d’un Sollers aussi médiatique et désinvolte alors que c’est un travailleur acharné. »

Avec AFP

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