Opérateur de téléphonie à licence universelle pour la région de Matam, Hayo appartient à 100% à des Sénégalais. Pourtant, alors que son réseau permet de réduire la fracture numérique à Matam et de désenclaver la région, son arrivée ne fait pas que des heureux, et la législation actuelle ne le protège pas suffisamment.
En marge du Conseil des ministres décentralisé de la région de Matam le 21 mars 2013, le président de la République Macky Sall avait posé un acte qui est bizarrement passé inaperçu pour la plupart des Sénégalais. Il s’agissait de la mise en service officielle du réseau quatrième opérateur de téléphonie du Sénégal, le premier à un niveau régional. Sous le label Hayo, le Consortium de service universel (Csu), une entreprise sénégalaise, dirigée par des Sénégalais, a lancé un opérateur de téléphonie pour le fixe et le mobile, en service dans la région de Matam.
Allô le 72…
L’usager de téléphone du Sénégal, qui reçoit un appel avec le numéro de préfixe «72» pour un appel mobile ou «36» pour un fixe, ne devrait plus penser à un appel venant de l’étranger, car cela vient bien du Sénégal. La directrice générale de Hayo, Mme Fatimata Agne Ba, a expliqué au journal Le Quotidien, que son réseau est totalement fonctionnel. «Nous faisons de la téléphonie mobile et du fixe également. En plus, nous assurons des services internet haut débit pour permettre à nos abonnés, publics comme privés, de naviguer sur internet, de consulter leur messagerie, ou de communiquer par skype, viber ou autres.» En plus, Hayo a ouvert des points d’accès pour permettre aux populations même des zones les plus reculées de la région, de pouvoir disposer des technologies de base de l’information. Un opérateur universel donc, mais dont la licence est pour le moment circonscrite au périmètre d’une seule région administrative.
Hayo, qui reprend un terme des plus affectueux pour souhaiter la bienvenue en halpulaar, est né de la volonté de l’Etat de développer le service universel des télécommunications dans une région du pays longtemps négligée par les grands opérateurs de téléphonie qui se partagent le pays. L’opérateur a pour mission de réduire la fracture numérique et de désenclaver la région de Matam. Csu a été retenu à la suite d’un appel d’offres transparent, qui l’a placé en tête des concurrents aussi prestigieux que «Orange». Le Pca de Csu explique que le démarrage des services s’est fait d’abord dans les trois communes, Matam, Kanel, et Ourossogui, suivi d’une densification progressive du réseau sur l’ensemble de la région de Matam.
Cependant, cet opérateur, qui devrait apporter le soulagement à la population de Matam ainsi qu’à ses concurrents qui ont longtemps délaissé la région de Matam, éprouve d’énormes difficultés à réaliser son expansion. Et cela, du fait aussi de certains concurrents et également d’une législation en matière des Nouvelles technologies de l’information et de la communication qui commence à se révéler peu adaptée aux réalités d’un secteur en pleine mutation.
Concurrence et fiscalité
Mme Agne Ba, la Dg, indique que «le Code des télécommunications ne prend pas en compte notre spécificité en tant qu’opérateur universel à licence régionale». Ce code voté en 2001 n’a toujours pas vu ses décrets d’application promulgués, ce qui fait que Hayo est rangé au même rang que ses concurrents qui ont une envergure beaucoup plus importante. Les dirigeants de Csu déplorent que l’Etat ne leur fasse bénéficier d’aucun accompagnement en matière fiscale qui prendrait par exemple en compte «le fait que nous sommes une entreprise ayant une mission de service et installée en zone rurale. De plus, nous sommes encore en phase d’installation ; nous sommes à peine en train de créer des emplois, aussi bien à Matam qu’à Dakar». C’est en effet dans la capitale que se trouvent les services administratifs de Hayo.
Les contraintes géographiques d’accès à certains points augmentent également les charges financières de l’entreprise. Pis, les appels internationaux entrants qui passent par le réseau de Hayo sont reversés à l’opérateur concerné avec Tva, alors que Hayo ne perçoit pas ladite Tva. Ce qui fait que pour une minute d’appel international que Hayo remet à Sonatel à 125 francs Cfa, l’opérateur régional débourse 154 francs. Parce que les textes de loi ne tiennent pas encore compte de sa spécificité.
Pis encore, pourrait-on dire, Orange, le plus grand opérateur de téléphonie du Sénégal, fait quasiment de l’abus de position dominante en ce qui concerne leurs relations, et ce, au vu et au su de l’Artp et de l’Etat.
L’Etat, à travers le Code des télécoms, a encouragé les opérateurs à partager les infrastructures, et Orange dispose du plus important réseau de pylônes dans la région, et elle veut faire sentir à Hayo le poids de sa puissance. Là où la Rts et l’Adie, entre autres, louent leurs pylônes à 177 mille francs Cfa par mois, Orange taxe les siens à 672 mille francs Cfa le mois, «à prendre ou à laisser». Et comme la Sonatel a le réseau le plus dense… De plus, Orange chercherait à interdire à Hayo de transporter les appels entrants internationaux, sous le prétexte que ce dernier opérateur serait en train de lui «voler ses clients».
Dans la protection juridique, le Csu donne donc souvent l’impression d’être un petit poucet abandonné sans cailloux à la merci d’une famille d’ogres.
Mohamed GUEYE